Jean a appris qu’il est reçu à son examen, il a intégré l’ E. O. R de la XV ème Région et écrit désormais de Draguignan (Var) , Caserne Abel Douay, où il est parti dès les résultats prononcés. Il se prépare à devenir officier.
Jean Genin figure en 9ème ligne sur cette page de la liste des élèves officiers.
Draguignan Le 20-01-1915 (P3- 1 sur 16)
Mes chers parents,
Nous sommes enfin arrivés hier soir à bon port à Draguignan, mais éreintés, et dans l’état où nous avons échoués à la caserne bondée et prise au dépourvu, l’adjudant nous a envoyé coucher en ville, ce dont nous avons été enchantés car vous ne vous imaginez pas comme il est bon de coucher sur un lit bien doux entre 2 draps blancs après avoir couché un mois comme nous venons de le faire ; aussi ce matin après avoir pris un repos dont nous avions grand besoin, c’est avec regrets qu’il a fallu quitter ce bon lit à 5h1/2.
Aujourd’hui cela a commencé à barder et nous sommes complètement installés car l’on nous a fait de la place, mais logés dans quelles conditions c’est épouvantable je vous en fais la description dans une prochaine lettre, je me contenterai de vous dire que je couche par terre, et que l’on mange où l’on peut, sans banc ni table, quant à la cantine, on se bat pour aller chercher des portions ou du vin.
Quant au cadre chargé de notre instruction c’est épatant. Comme capitaine un jeune officier d’une haute valeur, comme instructeur en chef un adjudant dont les élèves de la classe précédente ne savent que vanter ses brillantes qualités militaires, c’est un entraîneur d’hommes ; d’ailleurs il le porte sur sa figure et malgré sa sévérité du premier jour il a conquis toutes nos sympathies. Les sergents et caporaux sont également très à la hauteur de leur tâche et l’organisation générale, montée seulement aujourd’hui, est faite d’une façon merveilleuse.
Mais on nous a averti de ce que nous allons avoir à donner et je vous assure que nous ne sommes pas là pour nous amuser. On nous demande le maximum de travail. Du réveil (5 à 6 h suivant les exercices) à 17h30 (soupe), exercices, marches, service en campagne et cours, avec 1h1/2 d’arrêt pour la soupe le rapport et les lettres de 10h30 à 12h, puis le soir après la soupe de 18h à 21h cours et études ; et par dessus le marché une partie du dimanche cours et études. Vous voyez d’ici le travail , mais il ne me fait pas peur, au contraire, cette vie active me plaira infiniment et d’ailleurs après avoir si bien débuté, je suis décidé à ne reculer devant aucun effort ni aucune fatigue pour couronner brillamment ce que j’ai si bien commencé.
La compagnie qui a été formée ce matin a été réunie en carré ce soir au champ d’exercice et le capitaine nous a fait une belle allocution nous rappelant les devoirs impérieux et lourds qu’allait nous apporter notre nouvelle situation. Mais c’est avec joie et avec plaisir que nous acceptons ces charges et ces responsabilités que nous nous efforçons d’être capables de supporter.
J’oubliais de vous dire que des 420 candidats qui m’effrayaient à Marseille nous nous sommes seulement retrouvés à 137. Vous voyez d’ici s’il a fallu que je fasse de bonnes compositions.
J’ai beaucoup de choses à vous dire mais le temps me faisant ce soir défaut, je vous écrirai plus longuement au premier moment que j’aurai de libre. Je dois également vous prévenir que d’après ce que je vous ai dit tout à l’heure, je pourrai vous écrire maintenant moins souvent, mais cependant pour ne pas vous tenir dans l’inquiétude je vous enverrai souvent des cartes que je trouverai le moyen de faire entre 2 exercices. En tout cas je vous promets de faire de mon mieux. Écrivez moi aussi bien souvent, car c’est avec un bien grand plaisir que je reçois de vos nouvelles et cela me fait paraître le temps moins long loin de vous.
En attendant de vos nouvelles je vous embrasse bien tendrement.
Votre petit élève officier qui vous aime bien.
J. Genin
N.B. Première impression de Draguignan très bonne, jolie petite ville, bien mieux que Privas. Le jour, soleil splendide et très chaud, nuit très froide.