Programme chargé pour les futurs chefs …

Draguignan 29-01-1915    Extraits        (P3- 3 sur 16)

…  Nous travaillons en effet toujours beaucoup et souvent les cours du soir qui doivent se terminer à 9h prennent fin seulement vers 10h1/2 ou 11h, aussi nous n’en pouvons plus ; mais par contre l’on n’est pas exigeant le matin et on laisse facilement passer le réveil d’1/2 heure, ¾ d’heure, voir même 1 heure ; cela cependant un peu à cause du temps qui est réellement très bizarre. Ainsi lundi et mardi il a fait durant la journée un soleil torride dans un merveilleux ciel bleu sans nuage et la nuit il faisait si froid que le matin il y avait de la glace et depuis 2 jours cela a complètement changé, car la neige tombe presque sans interruption. C’est pourquoi depuis ces 2 jours nous bouffons quelque chose comme cours et comme théorie, on n’est juste sorti un moment cet après midi pour aller au tir.

On a fait aussi cette semaine notre 1ère marche équipement complet sac au dos. Mais quelle différence avec les marches stupides et bêtes du brevet ou du régiment, où l’on bouffe des kilomètres pour dire de faire du chemin ; loin de là, la marche a été très courte (15km) mais c’était une marche d’études, ordonnée en formation d’approche de l’ennemi, l’on expliquait et discutait tous les systèmes d’attaques ou de surprise en cours de route ; c’est réellement du plus haut intérêt, car notre adjudant est merveilleux pour développer en nous les qualités de Chef, d’ailleurs c’est pour tout la même chose, il n’est pas perdu un seul instant de vue dans notre instruction que nous devons faire des chefs.

Certains jours même lorsqu’on réfléchit mieux à la tâche que l’on entreprend ainsi qu’aux responsabilités que l’on est appelé à avoir, on la trouve lourde surtout avec seulement 2 mois d’instruction, quand il faut savoir tant de choses et avoir à 20 ans la responsabilité de 70 hommes pour commencer.

Mais il ne faut pas jeter le manche après la cognée et c’est avec courage que l’on travaille pour être digne et capable.

Je vous ai signalé dans ma dernière lettre l’inconfortable du casernement, aussi cela n’étonne personne, il y a déjà beaucoup de malades dans la caserne dont plusieurs cas de fièvre scarlatine même parmi nous ; aussi comme la sollicitude de nos officiers est pour nous très grande, car ils veulent nous ménager à tout prix quoique exigeant de nous le maximum de travail ; notre capitaine en particulier fait de multiples démarches pour améliorer notre sort, à la suite d’une revue passée devant la commandant du dépôt d’ici, il y a eu plusieurs visites de casernement par la commandant et plusieurs majors. Il est question de nous faire passer aux casernes neuves munies de tout le confort moderne mais éloignées de la ville, et on parle également de nous changer de garnison. De tout cela que fera t on je l’ignore, mais ce qu’il y a d’à peu près certain, c’est qu’on aura au moins une amélioration.

En tout cas moi je me porte bien et ne suis pas malade, mais je me tiens sur mes gardes et me soigne en conséquence. Je veille surtout sur ma gorge, car ceux qui sont malades débutent tous par là.

Je n’ai pas oublié l’éducation que j’ai reçue aux Lazaristes et je n’ai toujours qu’un but c’est de vous faire plaisir. Je ne vous donnerai qu’un exemple de ma nouvelle vie qui vous dira beaucoup c’est que dans ma chambrée où nous sommes 9, il y a 2 séminaristes et un élève de l’École Catholique d’Arts et Métiers de Reims, natif de Rive de Giers, et matin et soir nous faisons la prière en commun.

Quant aux dimanches malgré les cours cela ne m’empêche pas d’aller à la messe, car il y en a justement une spéciale aux militaires à 11h1/2 et nos cours ont lieu avant la soupe de 10h.

Je vous quitte car le cours va commencer pour finir je ne sais à quelle heure ce soir ; mais je n’ai pas sommeil.

Votre petit soldat qui vous aime et vous embrasse tous bien tendrement,

Jean Genin

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