Fier d’être bien classé

Privas – le 21-12-1914    Extraits        (P2- 2 sur 6)

Mes chers parents

Je viens de recevoir ce soir votre lettre qui m’a fait grand plaisir, car depuis mon arrivée ici le temps me durait affreusement, mais je commence à m’y faire.

Vous me dites que vous n’avez pas trouvé la clef de mon coffret ; c’est exact car j’ai trouvé dans la poche de ma vareuse le petit trousseau de clefs en question.

Depuis mon arrivée ici nous n’avons guère commencé à barder qu’aujourd’hui, où après avoir formé la compagnie en sections et escouades, nous avons manœuvré sur le champs de mars toute la journée. Pour le premier jour ce fût assez pénible, mais je suis content de mon classement car je suis le N°2 de la 1ère escouade de la 1ère section, et je serai continuellement en marche à la première file de la compagnie, et comme notre compagnie est la 1ère du régiment, nous serons toujours à la tête du régiment.

Pour nous classer le capitaine nous avait divisés en 3 catégories d’après l’interrogatoire qu’il nous avait fait subir l’autre jour : 1er : ceux pourvus d’une très bonne instruction, nous étions environ 40 , ceux qui avaient simplement fait de la préparation militaire et le reste, ceux des 2 premières catégories furent répartis entre toutes les sections pour former une élite.

Mais il y a une chose qu’on nous a également annoncé c’est que c’est la 1ère escouade qui servira d’éclaireur de la marche en colonne de compagnie. J’en suis également très content car ce sera plus intéressant quoique un peu plus fatiguant.

Comme nous sommes classés maintenant on nous a conseillé pour faciliter la distribution des lettres d’indiquer sur l’adresse la section et l’escouade soit :

61ème d’Infanterie, 26ème Compagnie, 1ère section, 1ère escouade.

Cela sera beaucoup plus pratique ainsi car nous ne sommes pas moins de 420 à la compagnie, plus une section de 110 fusiliers marins, et la distribution des lettres dure un temps infini.

...(Puis Jean évoque une alerte au feu qui les oblige, en pleine nuit, à se rendre en ville mais sans feu réel finalement...)

Mais quoique ayant reçu mes effets je sors toujours en civil, car je viens seulement de finir de mettre mes frusques en état, mais il me manque encore les écussons de ma veste, et la jugulaire du képi. Nous n’avons encore pas touché ni les cuirs, ni l’armement, aussi je ne sais si je pourrai sortir en tenue pour la Noël.

Je me porte toujours bien quoique hier j’avais attrapé un peu mal à la gorge, et il en était ainsi pour beaucoup, aussi avant de nous coucher nous sommes allés avec quelques camarades, prendre un bon vin chaud au citron, cette nuit je me suis bien couvert et aujourd’hui c’est passé.

En tout cas ne vous faites pas de mauvais sang à mon sujet car je saurai bien me soigner et le métier rentrera je crois.

Votre fils qui vous aime et vous embrasse bien fort

Jean Genin

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