Fêtes de fin d’année en caserne …

Privas – le 26-12-1914        (P2- 3 sur 6)

Mes chers parents

C’est à l’issue d’une cérémonie dont je suis le témoin pour la 2ème fois déjà que je vous écris cette lettre ; je veux parler de la revue avant le départ pour le front d’un détachement.

Il vient en effet de partir un convoi de 250 hommes composé de fusiliers marins dont je vous ai parlé, de blessés et d’évacués qui repartent, ainsi que de quelques retardataires de la classe 14 et je voudrais que vous puissiez voir combien sont touchants les adieux de part et et d’autre, c’est réellement réconfortant de voir le courage avec lequel tous partent.

Quant à moi nous avons déjà commencé les marches. Partis un jour à 7h du matin en treillis, par un beau soleil le long d’une route grimpante et tortueuse mais très pittoresque, nous nous sommes arrêtés presque au sommet d’un col en vue du panorama des Alpes neigeuses. Là dans une châtaigneraie à flanc de colline très escarpée nous fîmes par escouade de l’école du soldat et de l’escalade ; c’était pénible mais on était content et l’on ne sentait pas la fatigue. Puis nous revînmes en colonne en chantant à tue tête et l’on arriva à la caserne juste pour la soupe. Ce jour là on ne se fit pas prier pour manger la gamelle.On ne souhaite qu’une chose c’est de recommencer tous les jours.

Jeudi nous avons enfin passé la visite d’arrivée au corps et été vaccinés, mais cela a été vite fait. Quant au major qui nous a vacciné c’est une vraie brute.

Avant hier nous avons eu, tous ceux qui l’ont demandé, la permission d’aller à la messe de minuit, et hier nous avons eu un menu choisi, mais c’était mal préparé et les dindes n’étaient pas cuites, certains morceaux étaient même complètement crus, néanmoins je n’ai pas eu à me plaindre car j’ai été bien servi. Nous avons eu quart de vin à chaque repas, rhum à midi et liqueur le soir.

Hier après midi après avoir fait l’ascension du petit calvaire qui domine Privas nommé le Montoulon, nous sommes allés avec quelques camarades visiter les mines de plomb argentifères de Veyras et qui sont abandonnées depuis la mobilisation.

Pour ce qui est des permissions c’est encore pis que ce que je m’imaginais. Aucun bleu ne peut avoir de permission du jour de l’An et pour les anciens il n’y a que des permissions de 24h à au maximum 5% de l’effectif, de sorte que je ne vois pas compter aller en permission de si tôt.

La capote que j’avais eue lors de l’habillement et que je m’étais tant donné de mal à astiquer et à mettre en état va m’être changée car elle est trop courte de manche, mais quand ? Je ne le sais. L’habillement manque totalement ainsi que la literie. Aussi comme je ne peux sortir en petite veste, je sors avec la tunique du caporal. Des quantités sont comme moi sans capote, il y en a également sans pantalon et sans képi.

Comme l’on nous a classés par section, on nous a maintenant classés par chambrée et j’ai encore eu la veine de tomber sur un lit, un vrai lit avec sommier, aussi je ne me plains pas. Je me suis déshabillé avant hier pour la 1ère fois depuis mon arrivée. Mais nous n’avons touché tous qu’un drap car il en manque et par ordre du ministère de la guerre nous n’avons plus qu’une couverture, les couvre-pieds sont supprimés. Il faut se débrouiller avec cela, aussi vous devinez si j’apprécie ma couverture qui est très chaude. Je me tire d’affaire à merveille.

Beaucoup qui n’en ont pas autant tombent malades et tous les jours il y en a des quantités à l’infirmerie. Quant à moi cela va bien à part un petit rhume de cerveau qui commence à passer. J’espère que vous vous portez également tous bien et en attendant de vos nouvelles je vous embrasse bien tendrement.

Votre petit soldat qui vous aime

Jean Genin

J’ai reçu ce soir en bon état mon coffret. Je vous remercie bien de tout ce qu’il y a dedans, vous ne pouvez vous imaginer ce que cela fait plaisir à la caserne.

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