Aucune permission accordée finalement

Draguignan – 5-04-1915   Extraits      (P3- 11 sur 16)

   Aucune permission accordée finalement , mais un « quartier libre » bien apprécié…

Mes chers parents

Malgré l’espoir que j’en avais jusqu’au dernier moment, je n’ai pas pu avoir de permission pour une raison majeure , c’est vrai qu’il n’en a pas été accordé, sauf quelques exceptions pour des cas graves et urgents. Vous avez du m’attendre vainement tandis qu’ici je n’avais qu’à ronger mon frein en silence tout désabusé car j’y comptais réellement ; ce qui prouve que dans la vie militaire on ne peut rien prévoir d’avance. Enfin heureusement que ce n’est que partie remise car l’examen s’approche et bientôt nous serons à Privas où alors j’obtiendrai certainement plusieurs jours.

Comme les fêtes de Noël, vous devinez aisément les tristes fêtes de Pâques que j’ai passées ici. Quoique le vrai soleil du Midi se soit mis de la partie et qu’il fît de magnifiques journées d’été j’eus le noir tout le temps de n’avoir pu être près de vous ce jour là comme je le désirais tant. Ce qui m’ennuyais encore plus c’était de voir qu’une quantité d’élèves comme moi habitant la Côte ou la région avaient pu tourner la difficulté d’une permission refusée en ayant la joie de la visite de leurs Parents, de sorte qu’ils avaient tout de même le bonheur d’être en famille.

Néanmoins me faisant une raison en pensant que bouder la mauvaise fortune n’avancerait ni ne changerait la situation, je me laissais entraîner à passer la journée en compagnie de quelques bons camarades en abandonnant pour ce jour là cours et bouquins.

Le matin après avoir assisté à la messe de communion des soldats nous sommes allés déjeuner au cercle ; puis dîner à l’ordinaire car nous présumions qu’il serait ce jour là un peu extraordinaire, et nous ne nous sommes pas trompés ; de là nous allâmes, en faisant une partie d’échec, prendre le café toujours au cercle.

Nous passâmes ensuite le temps à visiter les 2 uniques curiosités de Draguignan, le Donjon (Tour de l’Horloge sans doute) et le musée.

Jean décrit sans enthousiasme le musée de Draguignan qu’il trouve bien modeste. La journée se termine par un bon souper à l’Hôtel Marsan des officiers.

J’oubliais de vous dire qu’entre temps à la sortie du musée nous assistâmes au départ d’un convoi de 380 chasseurs de la classe 15 (hommes nés en 1895 ayant 20ans en 1915). Je vous assure que le bataillon a été vite déménagé ici, c’est le 2ème convoi et il ne reste plus que 40 soldats environ par compagnie de jeunes soldats. L’affluence du monde venu pour saluer tous ces jeunes défenseurs était énorme. La gare était littéralement prise d’assaut et il était touchant de voir les adieux des Parents et amis, néanmoins nulle tristesse ne paraissait sur leurs visages et tous étaient joyeux de partir.

Aujourd’hui nous avons eu quartier libre à 9 heures du matin.

Comme il faisait un temps réellement superbe nous ne voulions pas rester enfermés, ni également perdre notre journée ; ainsi avec un de mes camarades nous partîmes faire une excursion dans un petit patelin que nous ne connaissions pas encore, et carte en mains, chemin faisant nous avons travaillé notre topographie. Après une halte de 2h dans ce petit village de Figanières, pendant laquelle nous achevâmes de repasser cette partie du programme, nous revînmes à Draguignan par les sentiers de la montagne à travers les bois de pins. Nous avons passé ainsi une agréable journée tout en ayant travaillé.

Jeudi prochain nous allons être de nouveau vaccinés je crois, et la semaine prochaine il y a bien des chances pour que ce soit l’examen. Pour ma dernière piqûre je n’ai pas eu trop de fièvre mais néanmoins elle m’a fait assez souffrir, cependant je commence à m’y habituer.

Je ne vous raconte pas nos manœuvre de la semaine dernière ce serait trop long, mais je me propose de le faire lorsque j’aurai le plaisir de vous voir.

J’attends le devoir de Marguerite, j’espère que s’il fait à Brignais un temps comme ici, elle aura du être inspirée.

En attendant de vos nouvelles, je vous embrasse tous bien fort et bien tendrement,

Votre petit soldat qui vous aime,

Jean Genin

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