A Berlin !

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Le 1er Août 1914 l’ordre de mobilisation générale est décrété , la France est en guerre.

Dijon – le 3 Août 1914

Mes biens chers parents,

Comme j’en avais eu le pressentiment depuis mardi dernier, l’heure fatale a sonné ! La marche lente et progressive des événements m’avait préparé à la triste nouvelle qui ne m’a pas surpris outre mesure. Mais ce qui me fait le plus de peine maintenant c’est d’être si loin de vous et de ne pouvoir aller vous voir. Enfin puisqu’il faut avoir du courage j’en ai.

Comme nous sommes mobilisés, nous avons travaillé hier toute la journée comme un jour de semaine. Les ateliers sont maintenant complètement transformés, tous les wagons pouvant servir ont été remis en hâte en service avec les réparations les plus indispensables puis tous les autres ont été garés dans un coin de façon à occuper le minimum de place. En un mot on a débarrassé complètement le terrain.

Puis depuis hier matin ce sont continuellement des trains entiers de marchandises que l’on rentre et qui repartent aussitôt déchargés pour servir au transport des troupes. Les marchandises les plus diverses sont empilées par monceaux, dehors, dedans, de partout. Ce sont de véritables docks.

En gare de Perrigny, l’intensité de la circulation est inouïe. Toutes les 10 minutes, de toutes les provenances et dans toutes les directions vont les trains remplis de soldats.

Le trafic le plus intense est celui des régiments de l’active dirigés sur l’Est et qui bifurquent à Perrigny. Les autres trains sont plutôt formés de réservistes rejoignant leur corps.

A Dijon, l’animation est extraordinaire en raison de la quantité de réservistes qui rejoignent.

Mais ce qui se dégage de tout cet ensemble si grandiose, mais si triste, de la mobilisation générale, c’est l’enthousiasme sans nom de tous les soldats.

Au passage des trains, tous fleuris et décorés de drapeaux tricolores, ce n’est qu’un seul cri poussé par tous les officiers et soldats fraternisant et transportés ensemble dans les wagons de marchandise, et qui est : « A Berlin ! ».

A voir le courage de tous les Français et l’attitude de toutes les puissances, il n’est pas à douter que ce cri se réalise, ce qui serait l’effondrement de la Prusse et désormais la paix universelle.

C’est désormais la seule chose à espérer.

J’ai bien reçu votre mandat, dont je vous remercie beaucoup, mais je n’ai pas reçu de nouvelles et je suis inquiet.

Le temps me dure surtout de savoir ce qu’il va advenir de Papa. Quant à moi je suis entièrement prêt et je me tiens sur mes gardes.

Dans l’attente de vous voir bientôt, je vous embrasse tous de tout mon cœur.

Votre Jean qui vous aime

Jean Genin

 

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