Spécial Centenaire de l’Armistice – lettres de novembre 1918: courrier du 25 novembre

(P4 bis- 10 sur 12)

Une entrée solennelle inoubliable dans Forbach , une invitation à dîner par le Général Passaga, et une ambiance glaciale  à Sarrebruck…

Toutes les photos illustrant l’article ont été prises par Jean à Forbach, le 22 novembre 1918. 

Le 25-11-1918

Mes Bien Chers Parents,

Avec grand plaisir j’ai reçu la dernière lettre de Marguerite très heureux de vous savoir toujours tous en bonne santé.

Depuis ma dernière lettre j’ai fait encore une entrée solennelle qui m’a valu une randonnée de 300 km en auto par plusieurs degrés en dessous de zéro. Ce n’est pas amusant, mais la réception que l’on reçoit en traversant toute cette magnifique Lorraine est si enthousiaste que l’on oublie tout.

Cette dernière entrée dont j’ai d’ailleurs pris de magnifiques photos est celle de Forbach, la dernière ville Lorraine avant la frontière boche. C’est réellement incroyable de voir à 6km de la ville boche de Sarrebruck un enthousiasme semblable pour la France.

Par contre après la cérémonie nous avons dû passer la frontière avant les troupes Françaises pour reconnaître le terrain de Sarrebruck, alors là quelle différence !

Nous étions, sans le savoir d’ailleurs, la 1ère auto française pénétrant dans la cité allemande où nous n’aperçûmes pas le plus petit drapeau de quelque nationalité que ce fût. Mais nous dûmes traverser toute la ville sous les regards en chien de faïence d’une population dissimulant mal son mécontentement et poursuivis par une foule de gamins piaillant en boche, et dont beaucoup étaient affublés de vieux casques boches de toutes les formes.

Au terrain d’aviation où un poste boche gardait un certain nombre d’appareils qui nous étaient livrés nous n’eûmes pas à nous plaindre de l’accueil très froid de la part du gardien qui nous fit visiter complètement les installations.

Mais le temps nous durait de repartir, car malgré nos 2 revolvers que nous avions pris la précaution de charger mon capitaine et moi, nous n’étions pas plus fiers que cela et, bien que portant la tête haute, nous appréhendions le coup de fusil tiré par derrière ; car à Metz plusieurs sentinelles françaises ont été assassinées la 1ère nuit.

Je vous dirais d’ailleurs que notre superbe voiture était comme toujours depuis l’armistice gentiment décorée de riches petits drapeaux alliés.

Enfin nous partîmes rapidement pour repasser à nouveau en Lorraine et retrouver des villages amis au milieu d’acclamations ininterrompues.

Nous allâmes alors à Sarreguemines où, au terrain d’aviation, nous donnâmes des instructions aux 2 officiers boches chargés de livrer un important lot d’avions déjà gardés d’ailleurs par un avant-poste français. J’ai pu d’ailleurs admirer la platitude de la soumission de ces 2 individus, dont l’un surtout était le prototype du hobereau prussien.

Je vous assure que cette journée a été bien remplie et que le soir je me suis couché avec plaisir.

A Forbach j’ai remis personnellement un album souvenir de l’entrée à Morhange au Général Passaga qui voulait me retenir à dîner. Mais dans l’impossibilité ce jour, la partie a été remise au jour où nous nous rapprocherons  du Corps d’Armée (32ème)  à la fin de la marche en avant.

Demain en effet je devais partir avec ma section pour Sarrebruck, mais j’ai reçu contrordre, restant encore quelques temps ici pour une relève photographique de la zone dévastée destinée à l’établissement d’un nouveau cadastre.

Vous voyez que l’on trouve tout de même à nous occuper.

En outre je vous avais parlé il y a quelques temps des pourparlers que j’avais avec l’Ecole de Travaux Publics ; c’est maintenant une affaire faite et dans le courant du mois de décembre je vais commencer à suivre des cours par correspondance.

J’espère qu’une fois sur le Rhin on y restera suffisamment longtemps pour ne pas être obligé de suspendre mes cours pendant mes déplacements.

Toujours en bonne santé, je vous embrasse tous de tout mon cœur bien fort et bien tendrement.

Jean Genin

 

 

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