Marseille : épreuves finales

Privas, le 11-01-1915     (P2- 5 sur 6)

Mes Chers Parents,

C’est éreintés que nous venons de rentrer à Privas, après un voyage très pénible aussi bien à l’aller qu’au retour. Il y a tellement de monde dans les trains qu’il est impossible d’y dormir, au moins dans une position commode et surtout en 3ème.Mais une bonne nuit ce soir et demain tout sera passé.

Partis mercredi à 19h20 d’ici, nous sommes arrivés à Marseille par un soleil radieux le jeudi à 8h40. Après avoir fait toutes les chinoiseries, les démarches à la Place et à la Caserne, nous fûmes libres à 11h et nous avons passé le restant de la journée à visiter Marseille.

Le lendemain dès 8h du matin nous étions en composition jusqu’à 11h et le soir de 2h à 4h. Le reste de la journée nous étions libres. Hier samedi nous ne composâmes que le matin ; puis le soir nous nous étions donné rendez vous à 2h dans un café de la Canne bière pour discuter de ce que l’on ferait ayant l’intention de passer la journée du dimanche à Marseille. Mais à 4h le chef du détachement qui était allé faire viser la feuille de route à la Place revint nous annoncer qu’il fallait partir le soir même à 6h55. Chacun pris ses dispositions en conséquence et à 6h30 alors que nous étions tous réunis à la gare, on apprit que ce train ne dépassait pas Avignon où nous serions obligés de stationner pour attendre le train suivant, aussi nous décidâmes de prendre le train suivant à Marseille à 11h35. Ce qui nous permis d’aller souper bien tranquillement et d’aller ensuite au cinéma.

Je suis assez satisfait personnellement de mon examen, mais je n’ose cependant en déduire aucun pronostic, voici pourquoi.

Les éliminatoires si durs que nous avons passés n’ont pas eu lieu dans tous les régiments du 15ème Corps, aussi l’on vit arriver des régiments d’ Infanterie avec 40 et 50 candidats et des bataillons de chasseurs avec 30 candidats, ce qui fait que nous étions 420 concurrents. Comme nos notes suivent à Marseille, j’espère que l’on tiendra compte des éliminatoires que nous avons passés, mais je n’en suis pas certain ; d’autre part, mais c’est une simple appréciation, il me semble que les officiers avaient beaucoup l’air de s’intéresser aux diplômes universitaires. Néanmoins j’espère être reçu pour Draguignan.

Quant au voyage par lui même, j’en suis enchanté, et si j’ai la malchance d’être recalé, j’aurai toujours eu la veine d’avoir fait ce voyage. J’ai trouvé la ville magnifique mais malheureusement un peu sale, les monuments sont très beaux, mais ce qui plaît surtout c’est la mer avec la belle promenade de la Corniche que je ne me lassais pas de refaire. Je l’ai faite 3 fois en tram, 1 fois de jour, 1 fois de nuit, et 1 fois au soleil couchant, c’est merveilleux.

Le temps nous fût clément tout le temps, sauf une légère ondée et une brume hier matin, mais l’après midi tout était dissipé et le soleil brillait.

Ce contre temps de départ précipité ne me permit pas de monter à Notre Dame de la Garde, ce que j’aurais tant désiré et que je comptais faire dimanche matin.

Quoique ayant été en subsistance à la caserne St Charles et à la 25ème Cie du 141 ème, je n’ai pas vu Auboyer car à Marseille les bleus de tous les régiments sont partis dans les environs pour être instruits dans des sortes de camps, le 141ème est à Aubagne.

Je suis enchanté de ce qu’il y avait dans mon coffret et je vous en remercie bien, le chocolat comme vous me l’avez envoyé en domino est bien préférable et est délicieux.Mais ma provision n’est pas encore épuisée et je souhaite avoir à vous en demander le renouvellement à Draguignan.

Mais il n’en est pas de même de ma provision d’argent, que le voyage de Marseille, ajouté aux duretés des premiers temps de la vie de caserne, a vivement mise à contribution, aussi je serais très heureux que vous m’en envoyiez le plus tôt possible.

Je ne compte pas savoir le résultat de l’examen avant 8 jours, mais comme on part illico je vais me tenir prêt, et si j’ai la chance de quitter Privas je vous en aviserai par dépêche.

En attendant bien impatiemment d’avoir la joie de vous l’annoncer, je vous embrasse tous bien tendrement.

Votre petit soldat qui vous aime bien.

Jean Genin

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