Front 1ère partie : Verdun (8) « On les aura ! » avril 1916

( P4 – 29- Verdun 8)

En tête d’article : Carte d’Etat Major du Front Ouest de la Bataille de Verdun sur laquelle figurent les communes d’ Avocourt, Haucourt, Malancourt, zones de combat de Jean et sa Compagnie ( 10ème Cie – 163ème R.I).

En ce début d’avril 1916, en plein milieu des combats, Jean n’a pas le temps d’écrire longuement. Il cherche seulement à rassurer sa famille et envoie les 9, 10, 13 et 14 avril des messages courts. Celui-ci, ci-dessous, est écrit sur une carte postale militaire en franchise (modèle 4 drapeaux) : 

Celui-ci est écrit sur un autre type de carte en franchise, sans illustration : 

 

 

D’autres messages sont écrits sur du papier à lettre, tel que celui ci qui annonce la longue lettre d’explication pour demain : 

 

Et enfin, Jean peut donner des détails sur sa participation à la Bataille de Verdun, le vrai baptême du feu pour lui. Ces explications arrivent en réponse à la lettre de sa sœur Marguerite (née en 1899) du 6-04-1916  dont voici une photo prise pendant la guerre à l’occasion d’une permission : 

 

Le 15-4-1916

Ma chère petite Marguerite,

Ainsi que je le promettais dans ma carte d’hier, je vais vous écrire un peu plus longuement aujourd’hui quoique n’ayant pas beaucoup de temps et c’est à toi que j’envoie ma lettre.

Tout d’abord puisque vous avez eu l’avantage de voir mes 2 camarades Sériyes et Franc, vous avez dû être exactement fixés sur mes débuts dans la bataille de Verdun ; mais par la suite je vais vous donner quelques tuyaux généraux puisqu’actuellement nous sommes dans une 4ème phase et que Franc même (blessé le 29/03), n’a assisté qu’à une partie de la 1ère.

Après 7 jours engagés dans les affaires H… M ( Haucourt – Malancourt) nous sommes revenus un peu en arrière, mais en plein bois et au milieu des batteries, sans cesse en bute à des marmitages, et, en guise de repos, nous allions faire des travaux en pleine zone de feu à 3 km des lignes. Ceci dura 8 jours environ et forme la 2ème phase.

Ensuite un jour nous montâmes occuper des positions de réserve comme soutien d’attaque et le lendemain nous relevions les troupes d’assaut dans les tranchées conquises du Bois d’A… (Bois d’Avocourt) Là, nous restons 5 jours pendant lesquels nous vécûmes des heures terribles notamment un jour d’attaque d’un de nos régiments.

Depuis nous sommes redescendus et de nouveau nous allons travailler mais beaucoup plus près des lignes.

Je ne sais ce que l’on va faire de nous maintenant, mais nous aurions infiniment besoin d’un peu de repos, étant donné non seulement l’état des troupes soit comme nombre soit comme fatigues, mais surtout à cause du mauvais temps qui sévit et qui, étant donné l’inconfort du cantonnement dans ces bois, ne permet pas de se remonter et de surmonter les fatigues.

Quoiqu’il en soit ma petite Marguerite, personnellement je ne puis pas me plaindre et j’ai résisté jusqu’ici d’une façon qui m’étonne moi-même. En outre continue à bien prier pour moi afin que je continue à traverser sain et sauf comme je l’ai fait jusqu’ici cette terrible épreuve.

Maintenant je ne te donnerai pas de plus amples détails pour le moment, mais je me réserve lorsque nous irons nous reformer à l’arrière de vous écrire un long journal des heures que j’ai vécues dans cette formidable bataille où je puis presque dire que j’ai reçu le baptême du feu, car les dix mois de campagne que j’avais fait avant n’existent pas à côté de ce que je viens de voir.

Au sujet de Dorier, je suis heureux d’apprendre de ses nouvelles car je n’avais pu en avoir ici.

J’envoie bien de temps à autre une carte à me Berthier, mais nous avons si peu de temps que mes correspondances sont plutôt rares comme tu dois bien le comprendre, quitte à me rattraper une fois la tourmente passée.

Hier a paru à la décision du régiment la nomination de Franc au grade de chevalier de la Légion d’Honneur.

Dans notre deuxième passe nous avons de nouveau perdu le capitaine remplaçant notre pauvre Commandant tué (Commandant Himhaus, mort pour la France à 62 ans, le 30/03/1916)  mais il n’a été que grièvement blessé.

Je vous ai écrit je crois la réception de mes leggins qui sont arrivés plus rapidement que votre lettre.

Je joins à ma lettre ainsi que je l’avais dit précédemment ta lettre du 6 et celle de Maman du 10 car je tiens à les conserver et je ne peux m’embarrasser beaucoup actuellement.

En attendant bien vivement des temps meilleurs, je t’embrasse bien fort et bien tendrement ma petite Marguerite, en te recommandant de te guérir bien rapidement et de bien faire plaisir au Papa et à la Maman.

Embrasse les bien fort pour moi qui ne le puis, et continues à bien prier, tu verras que je retournerai bientôt sain et sauf près de vous.

Ton grand frère qui t’aime bien

Jean Genin

 

Ci-dessus : carte d’Etat Major du Front au 6 mars 1916; à l’ouest figurent les communes d’Avocourt, Malancourt et Haucourt, très proches du Front (pointillés rouges),  théâtres des opérations pour Jean et sa compagnie pendant la Bataille de Verdun. On y voit également la Côte 304 et le Mort Homme, lieux de sinistre mémoire, très impressionnants à visiter de nos jours car imprégnés encore de l’horreur des combats.

Le Mort Homme en 1916 raconté par  André Joubert, c’est par ici :              http://www.chtimiste.com/batailles1418/combats/morthommet.htm

 

Ci-dessus: Carte (anglaise) de la Bataille de Verdun, qui permet de situer Avocourt, Malancourt par rapport à Verdun.

 

 

 

Les 3 photos ci-dessus de JG : bombardement au Bois d’Avocourt, avril 1916.

Photo JG ci-dessus : « PC du Commandant Imhaus à Haucourt – De gauche à droite : Capitaine Depraitère, son ordonnance, et le Sergent Mattéi  » 1916.

Pour des informations complètes sur le Commandant Théodore Imhaus, chef du 3ème Bataillon du 163ème R.I :  

http://www.memorialgenweb.org/memorial3/html/fr/complementter.php?id=1240522

Photo JG ci-dessus : « Défense d’Haucourt – 12ème Cie »  1916

« ON LES AURA ! »

C’est aussi le 10 avril 1916 que le Général Philippe Pétain s’adresse pour la 94ème fois à ses hommes en ces termes, devenus célèbres :

 » Le 9 avril est une journée glorieuse pour nos Armées ; les assauts furieux des armées  du Kronprinz ont été partout brisées : Fantassins, artilleurs, sapeurs, Aviateurs de la II ème Armée ont rivalisé d’héroisme.

Honneur à tous !

Les Allemands attaqueront sans doute encore ; que chacun travaille et veille pour obtenir le même succès qu’hier !

Courage !On les aura !… »

Philippe Pétain (ordre général n°94 du 10/04/1916)

À la lecture du communiqué et malgré l’état d’épuisement général, des vivats éclatent des tranchées. Les quatre derniers mots du texte sont clamés, scandés, chantés. Ils s’envolent au-dessus des campagnes dévastées, atteignent les villages et les villes. Les journaux les impriment en une et en gros caractères, les civils se congratulent en les répétant encore et encore. Ils deviennent un slogan, un cri de ralliement, une espérance, une certitude. Quatre mots qui, comme La Madelon, vont peser lourd dans la victoire finale. 

 

 

 

Philippe Pétain en visite au Front 

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